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La mer 

Confinée seule à la mer, à Denneville-Plage, en Normandie,

j'écris quelques poèmes que je décide de publier sous la forme d'un abécédaire.

Amarrage

 

 

Penchée sur la page du carnet

Comme l’on se pli sur nouveau-né

Soudainement piqué par cette envie d’écrire

Douteux désir devant l’impossible à décrire

 

Alors confusément les mots s’ajustent

Au sens de mes pensées, tentant le juste

Devant ce destin depuis longtemps offert

Comme un bouquet, au cœur, porte le vert

 

Les mains disposent d’une arme poétique

Et l’âme se fend derrière l’arithmétique

Disposant mon flambeau je disperse mes cendres

Celles qui, à jamais, resteront si j’ai à me rendre

 

Je voudrais que ma trace soit immense

Je voudrais que ma place traverse les tendances

Que traduite dans des dialectes divers

Je réchauffe les coeurs trop frais l’hiver

 

Écrire est pour moi manière de ne pas m’endormir

Et même de coucher mes complexes avec rires

Si ma palette de couleurs est tachetée de sang

Ce que je sais c’est que mon propre encens

Aura l’odeur du noir qui partout rôde

Et le toucher de mes déboires à l’aube

 

Tourner la page est compliqué

 ça signifie signer encore le pacte d’avancer

Et saigner mon humeur à des billets

Ceux qui sont pauvres et qui permettent de trier

La sensibilité valsant du fond de mon âme

Qui m’a parfois rendue prête à lâcher mes rames

 

La révolte tonne au fond des corps

Mais faut-il attendre les accords

Pour continuer à être malgré mes pleures

Et mes multiples deuils adoucis par des fleurs ?

 

La tête haute je laisse tomber mon masque

Celui que j’ôte chaque soir pour mon casque ;

l'ignorance doit être protégée par les clivages

La démesure du désaccord raccordé par l’être-sage

 

Personne ne tient les ficelles du pantin

Ses membres s’agitent dans la bouche des requins

Longtemps affublée par des visages malins

L’espérance, elle, nage dans l’œil des marins

 

L’horizon pointe sa ligne neuve pourtant pareille

Mais le navigateur suit la trace du soleil

Sonner les trompes et les nuisettes

Voilà le bon goût et le rôle de l’eau de vie

Ravalant le sel à la surface de nos produits

Possibilité ivre d’une joyeuse chansonnette

 

Nous encrerons l’espace de notre vitalité

Pourtant notre masse achève toujours sa lignée

Quand seuls mes pas promènent la grève

Coup d’œil dans le rétroviseur de mes rêves

 

La démarche se pâme, mes jambes s’entament

Dans des élans de sauts qui s’enflamment

Où est ma rive dans cette barque brulée

Là où l’eau par-delà flotte sur nos pieds

 

Ils ont encore choisi les soucis

Pendant que nous on s’arrache la maladie

Atteinte à leur veine, à leur voyage, à leur vie

Que penser de cet exil alors que l’on fuit aussi ?

 

Les mains se prennent et se retirent

Les vagues se poussent, s’attirent

Les deux amants volatiles

Les doux aimants tactiles

 

Pourquoi choisir encore les mots

Quand le paradoxe humain surfe sur les canaux

Membranes cotonneuses endormies dans un cri

Crâne pouilleux, sur port atterri

 

Cacher l’abcès, cacher l’excès

Rentrer frustré, rentrer mouillé

Corps à vaincu l’horreur des meurtris

Encore souper avant la larme coulée dans la nuit

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