Sibylle
Dérapage
Mon encre sèche, se lèche les doigts
Rien ne l’arrête, pas une seule loi
Jette le doute
Je livre ma dot, en sort une soupe
De mots, et l’Aligot corse et retorse
Mordent et animent sa langue morse
J’ai mal de fondre ma main
Sur une table qui me retient
Tout rentre et sort et je m’endors
Le dos du corps cils vibratiles aux aurores
De nouveau renverser la tête droite
Pour varier bords et plaisirs moites
Je transpire ma mélancolie
D’enfant aux yeux qui rient
Le monde m’atteint et je m’abstiens la nuit
De verser goutte à goutte le sang
Sur le sentier maître du lit de camp.
Je ne suis pas une guerrière à l’armure
Brunie par les soleils, les neiges pures
Seulement marin sans pieds qui a le mal
De son ennui, silence de mots décrivent mon râle
Bol qui vrombit au matin
Mon pot rigide caresse demain
Sentiment mou, y’a tout qui boue
Dans le pôle crânien sans le sous
La banquise pêche ses animaux morts.
Moi je flaire l’eau
Qui me dénonce un moral faux
Une vieille boisson aux raisins
Chauffe ma gorge, donne des câlins
Le regard phare le monde encore
Mon mirador s’endort sans or
Je sabote les gazons de mes accords
Plus un bruit n’anime la mort
Pourtant le bip lui crie fort
Les lignes se courbent, roulant les chiffres
Les vivants persistent, débattent leurs griffes
Je ferme les yeux, posant ma gifle
Les mots qui claquent, le cœur qui siffle
Enterrer les vivants dans leurs huîtres
Le bagne se clot comme un chapitre
J’aime l’amour, j’aime les pains,
Les pins qui sourds, sentent les siens
Les jours courent et moi je souffle
Les heures labourent et me camouflent
Lient les idiots, scient les berceaux
Vivent les marmots, crient les puceaux.
Je suis vulgaire comme notre terre
Dans l’autre sens horloge son terme
A quoi bon chant, thés et biscuits
Quand les gâteaux font moins de bruit. ?
Mélancolie par ici, nostalgie par là-bas
Et grandement retrouve mes pas
Géants; poussent les petites pies, Merles
se mêlent au riz, curry, sel, goût, Brel
J’erre cette nouvelle qui fleurie, voile l’orage.
Demain, fendre l’étoile
Filante en croissant de lumières
Je hausse ma tête, je fais la fière
La nature hurle la honte sans bruit
Et toujours l’or agite nos envies
Vive le gite d’esprit, et mon Saint luit
Casse vos ménages, pique une nage
Dans l’inconnu. L’icône brille là,
dans le silence et la solitude d’un chat
Miaou fait l’un, quelle mignonnerie
Mais pas malin, moi je te prie
D’ouvrir tes chakras aux douleurs
Celles qui murent et loquent sans leurres
Devant les spectres maritimes
La population intime s’assassine
Et s’écrasent les cygnes
Sous les vagues sans rime
Les perdants du destin
Qui fendent l’arc. Atteindre
un but obscurci, feindre
Le doux, de peur de se teindre
La danse s’enchaine, elle aussi va s’éteindre.
Qui les aidera eux les brigands ?
Les pirates fous qui, sans les gants
Ont l’œil aveugle à nos 15 000 en crise
Le monde les tient sans lâcher prise
L’Escalator s’arrête comme leur histoire
Ma page se tourne encore jusqu’au soir
Pour ne pas taire l’injuste de la terre
Où sont les monstres, où sont les pères?
Dans le brouillard j’avance ma reine
Qui dans les marbres du roi grave sa peine
Aucun pouvoir, seul mon espoir
Peut croire à l’empathie de tous
Au milieu de cette repoussante brousse
Les deux abysses de mes yeux coulent
Comme encre saigne et roule
Sur mon papier blanc de noir
Tendre trottoir ou teindre le temps
Je m’arrache du désespoir et panache
En rage, je crache les canards lâches.
Mars 2020
.